Conséquences psychologiques de l’enfermement en centre fermé.
(d’après des témoignages / 2008-2009)
(BRUGES- 127BIS)
Pendant la détention administrative, le détenu reçoit un minimum d’informations souvent inexactes au sujet de la durée de la détention et des aides provisoires.
Pendant cette période qui peut durer plusieurs mois, on observe les situations suivantes :
1. Le détenu nourrit des doutes, des interrogations et de l’incompréhension au niveau des raisons, de la durée et de la finalité de la détention. La vie y est pire qu’en prison, il n’a pas commis de crime.
2. Le détenu administratif est appelé et désigné par un matricule, ex. B.4, il n’a plus de nom, de prénom, d’origine, il est dépersonnalisé.
3. le mode de vie est inhumain et non respectueux de l’intimité de l’individu et non conforme à une vie dans la dignité. Les communications téléphoniques sont surveillées. En cas de réclamation ou de refus d’obéir, les punitions et les représailles sont appliquées : coupure de téléphone, injure, coups, cachot
Il y a des organisations d’activités infantilisantes : jeux, collage de cartes, etc. Il y a surpopulation.
4. Le détenu qui a perdu son identité et son intimité sombre petit à petit dans la dépression nerveuse, qui peut mener au suicide.
Cette dépression se présente sous la forme de
- désespoir
- crise de larmes
- décompensation psychologique
- crises d’angoisses
- insomnies
- tentative de suicide (pendaison à Bruges)
- geste de désespoir (verre cassé avalé – tentative de suicide)
5. Le détenu comprend vite qu’il ne peut ni se fier ni se confier, et sombre dans le découragement et le sentiment de solitude totale, coupé du monde réel et ceci à durée indéterminée.
6. Apparition de syndrome de Stockholm :
Le personnel y compris les médecins se répartissent le rôle du gentil confident, du conseiller amical et le rôle du gardien méchant, des chefs agressifs. Il n’est qu’un pantin dans les mains d’une équipe qui exerce la toute-puissance.
7. Les détenus vivent une vie morne, vide, lassante, et se replient sur eux-mêmes.
8. Le détenu se voit proposer des substances dangereuses, qui provoquent une dépendance, par les infirmiers et les médecins, comme seule solution à leur mal-être, en cas de refus, c’est la mise à la porte du bureau et le cachot.
ex . : Nozinan ® neuroleptique puissant.
9. Le détenu se trouve sans argent, mais il en a besoin pour téléphoner, il ne peut pas gagner de l’argent, seulement des points en faisant des corvées pour la collectivité.
10. Le détenu perd le contact avec la réalité et avec la vie à l’extérieur.
Il présente des troubles spatio-temporels. Il n’a pas de futur, le temps ne passe pas, il n’a plus de repères.
11. Il est difficile d’avoir, pour le détenu, des contacts avec l’extérieur. Les contacts avec la Ligue des droit de l’homme, est mal vu et mal considéré, le détenu est alors vu et traité comme un mauvais sujet.
12. Le séjour en centre fermé se termine parfois par une expulsion dans une ville du pays d’origine, il y a jusqu’à cinq policiers pour un détenu, il est bâillonné et attaché au niveau des poignets et des chevilles, certains policiers donnent des coups sur le thorax, ce qui blesse le détenu. A la maltraitance psychique se rajoute l’humiliation et la maltraitance physique.
Le détenu se sent cassé.
Les blessures consécutives aux coups et à la brutalité exercée lors de l’expulsion sont des ecchymoses, des hématomes, des fêlures et fractures costales. (Les douleurs costales se font encore sentir six à huit semaines après l’accident ! ).
13. Il y a des femmes enceintes, des enfants dans le centre 127bis.
14. pendant sa détention, le détenu peut développer des troubles définitifs, cardiovasculaires, psychomoteurs, des névroses d’angoisse, des épisodes de paranoïa, des dépendances médicamenteuses d’iatrogéene et une dégradation sévère psycho-physique.
EN CONCLUSION
Un certain nombre de detenus presentent dans les mois qui suivent leur libertion ou leur expulsion, un SYNDROME POST-TRAUMATIQUE (voir DMS IV) soit de type court (quelques semaines) soit de type long ( quelques mois ou quelques années)
Le syndrome demande une therapie adequate et parfois un traitement medicale.
On ne peut evaluer la duree d’un tel syndrome. Les sequelles sont multiples, dificiles a vivre pour l’individu et constituent un handicap reel dans une vie normale.
Un etre humain peut suite a un enfermement dans un centre fermé devenir un etre blesse, casse, dont l’existence est et sera tres difficile jour apres jour.
Docteur Christine DORMAL